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30/06/2008

MALI - Le messager avait la langue trop bien tendue

Les voleurs de bétail avaient travaillé en famille. Et s'étaient "grillés" de même
Ce n'est pas seulement la pluie que ramène l'hivernage. Mais aussi une recrudescence des vols de bétail, surtout dans les alentours des grandes villes. C'est en général à cette période de l'année que les bouchers de Bamako et des autres importantes agglomérations de pays connaissent d'importantes difficultés d'approvisionnement. En effet, les éleveurs s'éloignent des centres urbains en quête de meilleurs pâturages pour leurs bêtes. Ils cherchent aussi à éviter les querelles inutiles avec leurs cousins cultivateurs et à ne pas empiéter dans les champs de ceux-ci. Même ceux qui restent rechignent à céder leurs bêtes. Ils n'éprouvent pas de grandes difficultés à nourrir celles-ci et veulent préserver pour leur propre consommation les sous-produits comme le lait qui peuvent leur permettre de vivre de manière décente.
Ce changement de comportement des éleveurs ne fait pas du tout l'affaire des bouchers dont les revenus dépendent de la préservation d'un certain rythme dans l'abattage des bêtes, donc de la commercialisation de la viande. Or, ces bouchers se trouvent confrontés à un renchérissement notable des animaux qu'on trouve encore sur le marché et sont donc confrontés donc à une réduction importante de leur marge de bénéfice. Les moins scrupuleux de ces artisans se montrent alors très peu regardants à l'égard de toute personne qui leur offrirait de s'approvisionner en viande à un prix abordable.

Notre histoire d'aujourd'hui met en scène une famille de bergers et un boucher. Modibo Ba est le gardien des animaux d'un haut responsable militaire de notre pays, animaux parqués à Touréla. Dans la nuit du 17 au 18 juin dernier, cinq bœufs disparurent du troupeau. Les recherches entamées ne donnèrent absolument aucun résultat et l'homme se résoudra, la mort dans l'âme, à informer le propriétaire des bêtes. Le haut responsable saisit la police du 10è Arrondissement que dirige le commissaire divisionnaire Mady Fofana. Ce dernier mit sur cette affaire la brigade de recherche et de renseignements. L'inspecteur Macky Sissoko et ses hommes se mirent en branle et actionnèrent tous leurs réseaux d'informateurs. Très vite, ils mirent la main sur un certain Boubacar Ba dont le témoignage se révéla d'une peu commune précision. L'homme affirma aux policiers qu'il avait vu des traces d'un abattage d'animaux dans le champ d'un certain Oumar Barry dit Ferké. Décidément très prolixe, l'homme ajouta que le lendemain de la disparition des bêtes du haut responsable militaire, il avait vu aussi Néné Barry le fils de Oumar, la femme de ce dernier et un certain Youssouf Yalcouyé, boucher de son état, transporter des carcasses de bœufs dans une charrette à traction animale. Le témoin affirma même que le petit groupe, à son avis, venait du champ de Ferké.

LE DEAL N'A PAS ÉTÉ RESPECTÉ : Le témoignage appelant le témoignage, un certain Sadio Dicko se présenta de lui-même à la police pour donner des détails qui enfonçaient encore plus ceux que les propos de Ba avaient déjà sérieusement mis en cause. Dicko indiqua que le lendemain du vol, il travaillait dans le même champ que Néné Barry. Comme il se trouvait financièrement dépourvu, il avait demandé à son compagnon 500 francs pour se payer de la nourriture. Le jeune homme lui avait répondu que lui-même n'avait pas un centime en poche.

Sadio ne voulut pas le croire et insista. L'autre qui voulait lui démontrer sa bonne foi lui expliqua alors que 48 heures auparavant, son père et lui avaient volé cinq bœufs. Mais trois des bêtes avaient pu s'échapper. Les deux autres avaient été abattues et les carcasses données à Yalcouyé qui était venu passer la nuit avec eux pour pouvoir repartir avec la viande débitée. Mais, expliqua le fils de Ferké, le deal passé entre eux n'avait pas été respecté par le boucher. Ce dernier ne donnait plus signe de vie et la famille ne parvenait pas à remettre la main sur lui. Tous les appels qui lui avaient été adressés sur son téléphone portable étaient directement acheminés vers le répondeur.

Les deux témoignages étaient plus que suffisants pour que les limiers aillent cueillir Néné, son père, sa mère et le boucher. Très vite, les agents s'assurèrent du premier et du dernier. Amenés à la Brigade de recherche et de renseignements, les deux hommes feignirent dans un premier temps de ne pas se connaître. Les policiers abattirent alors leurs cartes maîtresses en faisant entrer les deux témoins. A l'apparition de ceux-ci, Néné et Yalcouyé se regardèrent d'un air catastrophé, puis échangèrent quelques mots en fulfuldé. Néné dit en substance au Dogon que tout était de sa faute. S'il ne les avait pas trompés sa famille et lui, il n'aurait jamais fait allusion à l'affaire devant un hypocrite comme Sadio Dicko. Le boucher refusa bien sûr d'endosser la paternité de tous leurs ennuis. Les deux hommes se mirent alors à se disputer et les accusations mutuelles qu'ils s'échangeaient vinrent confirmer les propos des deux témoins.

L'ÉMISSAIRE IMPRUDENT : Pendant que le grand déballage battait son plein, survint un événement tragi-comique. Ferké, qui avait eu vent de l'interpellation de son fils et du boucher, avait envoyé un émissaire vers les deux hommes. L'homme, une fois au poste, avait demandé à voir où se trouvaient Yalcouyé et Néné. Un agent l'accompagna jusqu'à la B.R. où les deux hommes continuaient toujours à s'envoyer à la figure tout ce qu'ils avaient sur le cœur. L'envoyé de Ferké commit la maladresse de ne pas prendre la température des événements. Il salua et débita immédiatement en fulfuldé le message dont il était porteur. "Ton père, dit-il en s'adressant à Néné, vous demande de savoir utiliser votre langue. Il y a des choses que vous ne devez pas dire. Nous allons tout régler si vous savez ce que vous avez à dire aux policiers".
L'envoyé croyait dans sa naïveté qu'en ayant recours au fulfuldé il ne serait compris de personne dans le commissariat sauf de ceux à qui il s'adressait. Il avait oublié que les mêmes Peuls disent "On est autant d'hommes que de langues qu'on parle". Or dans notre Mali d'aujourd'hui, et en se fondant sur cet adage, on peut sans grand risque de se tromper affirmer que chacun de nous est au moins deux hommes. Dans la salle de la B.R. se trouvaient donc des personnes aussi bien policiers qu'usagers qui avaient saisi les recommandations si imprudemment délivrées par l'émissaire de Ferké. Ces témoins malgré eux se firent un plaisir de traduire aux enquêteurs le monologue de l'envoyé. Les policiers firent donc approcher ce dernier et lui demandèrent de répéter ce qu'il venait de dire. L'homme hésita dans un premier temps, puis ayant compris qu'il venait de se faire prendre au piège de sa propre imprudence, il expliqua la mission qui lui avait été confiée par Ferké, un individu qui est une vieille connaissance des services de police.

Macky Sissoko et ses hommes s'apprêtaient au moment où notre équipe avait quitté le commissariat à se rendre à Touréla pour cueillir le reste des membres de la famille en compagnie de l'intermédiaire du plaignant. Voilà donc une entreprise familiale qui mettra la clé sous la porte pour un bout de temps. Mais vu le domaine dans lequel elle s'était spécialisée, les honnêtes citoyens ne la regretteront certainement pas.

G. A. DICKO

MARIAM L'INCORRIGIBLE

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, parmi les délinquants il y a des personnes proprement irrécupérables. Cela parce qu'elles sont trop habituées à vivre à la marge de la société pour envisager une quelconque réinsertion. Mais même parmi les irrécupérables, il en est certains qui se révèlent encore moins "sauvables" que les autres. Telle Mariam Kanté une jeune fille bien connue dans les maquis de la capitale. La demoiselle avait été arrêtée la semaine dernière au cours d'une patrouille sectorielle. Conduite au commissariat du 10è Arrondissement, elle n'avait pas été immédiatement mise au violon, car elle se trouvait visiblement sous l'emprise d'une forte consommation de drogue. Mariam revint cependant à elle plus rapidement que ne l'avaient pensé les agents et profitant d'un moment d'inattention, elle sortit en catimini du poste et prit la clé des champs.

Toute autre qu'elle aurait certainement essayé de fuir le plus loin possible du commissariat. Mariam, au contraire, chercha quelque chose à voler. C'est ainsi que quelques minutes après avoir pris la poudre d'escampette, elle s'introduisit dans une famille où elle tenta de s'emparer des téléphones portables en charge dans le salon. Par malheur pour elle, notre délinquante ne se montra aussi silencieuse qu'elle aurait dû l'être. Les membres de la famille se réveillèrent donc, lui sautèrent dessus avant qu'elle ait pu s'esquiver et entreprirent de lui faire passer un mauvais quart d'heure. N'eut été l'appel d'un anonyme qui s'était empressé d'avertir la police, Mariam Kanté ne serait certainement plus de ce monde aujourd'hui. L'équipe de Tolo et Diaridia en service à la brigade de recherche fit diligence pour arriver à temps. Mais malgré leur expérience des faits les plus bizarres, les policiers furent surpris de retrouver en si mauvaise posture la demoiselle qu'ils avaient eux-mêmes amenée peu de temps auparavant au poste. Reconduite une seconde fois au commissariat et mise cette fois-ci au violon, la jeune fille passa la nuit au poste avant d'être entendue le lendemain et déférée au parquet du tribunal de première instance de la Commune VI. Elle séjourne présentement au Centre d'arrêt pour femmes et mineurs de Bollé.

Mariam Kanté n'est pas à son premier séjour dans ce lieu de détention. Il y a quelques années, elle avait été envoyée en prison par le commissariat du 5e Arrondissement de Lafiabougou pour des faits similaires à ceux qui lui sont reprochés aujourd'hui. Son présent séjour lui permettra-t-il de s'assagir ? Rien n'est moins sûr.

Source: L'Essor (Mali)

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