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28/07/2008

MALI - Simple comme un appel téléphonique

Les pièges les moins sophistiqués sont souvent les meilleurs. Gros et l'Ivoirien l'ont expérimenté à leurs dépens. Comme nous ne cessons de l'écrire depuis un certain temps, l'hivernage - pour un certain nombre de raisons évidentes - est la saison de prédilection des voleurs. Les policiers sont d'ailleurs les premiers à le constater. Il ne se passe pas en effet de jour sans que dans un des treize commissariats ou l'une des brigades de gendarmerie de la capitale les agents ne soient saisis d'un cas de vol par effraction.

Pourtant, la police a notablement relevé son niveau de vigilance ces derniers temps. Une récente instruction de son patron, le contrôleur général Niamé Keita, fait obligation aux hommes de poursuivre désormais jusqu'à 6 heures du matin les patrouilles sectorielles entamées chaque soir. En outre, au niveau de chaque commissariat, une guérite a été installée pour accueillir à tout moment les citoyens et un officier (un commissaire) assure la permanence anciennement confiée aux seuls inspecteurs.

Ce sont donc là des efforts plus que notables pour rendre notre police plus performante dans l'action de prévention qu'incluent ses fonctions et plus efficace en matière de sécurisation des personnes et de leurs biens. Mais comme on le sait, c'est une course-poursuite continue qui s'est instaurée entre les agents de sécurité et les malfaiteurs. Chaque fois que les premiers améliorent leur niveau de présence, les seconds élaborent aussitôt une parade pour s'adapter à une conjoncture devenue pour eux plus difficile. Malheureusement, de nombreux malfrats explorent surtout la voie des délits plus rapides, plus brutaux et parfois plus meurtriers. Agir vite en prenant le maximum de risques et en intimidant les paisibles populations paraissent pour eux la meilleure manière d'opérer désormais.

Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, il n'y a eu ni violence, ni préjudice corporel. Mais ce qui s'est passé dans la nuit du 11 au 12 juillet dernier à Banconi Razel montre bien à quel point les délinquants sont devenus réactifs aux aubaines qui surgissent sur leur chemin et avec quelle audace ils agissent. C'est ce qu'a vérifié à son corps défendant Almamy Traoré, un homme d'affaires bien connu dans le secteur. Ce dernier s'était assoupi dans un canapé de son salon en oubliant de refermer aussi bien la porte d'entrée que le portail principal. Il était donc profondément endormi lorsque deux voleurs de passage dans la rue se rendirent compte de son imprudence. Ils virent immédiatement tout le profit qu'ils pourraient tirer de cette situation inespérée.

DEUX VISAS DE LONGUE DURÉE : Après s'être introduits à pas feutrés dans le salon, les malfaiteurs s'emparèrent des deux appareils téléphoniques que le commerçant avait laissés près de lui. Puis en fouillant la pièce, ils repérèrent une mallette contenant notamment une importante somme d'argent et deux passeports avec sur l'un un visa américain d'une durée de cinq ans et sur l'autre un visa français de trois ans.

Une fois leur coup exécuté, les deux voleurs s'éloignèrent à toute vitesse. Arrivés à une certaine distance du domicile d'Almamy, ils fracturèrent les serrures de la mallette, prirent l'argent qui se trouvait à l'intérieur et jetèrent le reste qui ne leur apportait plus rien et qui aurait pu les encombrer.

Lorsqu'aux approches du petit matin Almamy se réveilla, il constata la disparition de ses téléphones. Il ne se donna pas la peine de vérifier tout de suite si rien d'autre n'avait été dérobé dans la pièce et lorsque l'heure fut assez avancée pour pouvoir le faire, il s'en alla faire une déclaration de vol au commissariat du 6e Arrondissement. Il retourna ensuite chez lui et voulut prendre ses pièces et une certaine somme d'argent pour les dépenses du jour. Ce fut à ce moment qu'il se rendit compte que sa mallette, pourtant placée hors de vue, avait été également emportée par les "visiteurs" de la veille.

Pour Almamy Traoré, la perte la plus préjudiciable était beaucoup moins l'importante somme d'argent que les passeports et les deux visas. L'homme est en effet constamment en déplacement pour ses affaires. Il passait donc moins de temps au Mali qu'en France et aux États-Unis, ses destinations de prédilection et pour lesquelles il détenait des visas de longue durée.

Almamy avait donc la migraine rien qu'à l'idée des démarches qu'il lui faudrait effectuer pour obtenir à nouveau les précieux sésames. Le temps qu'il allait perdre porterait un coup sérieux à ses affaires. Le désespoir au cœur, il s'en retourna donc au commissariat et fit une nouvelle déclaration en insistant surtout sur l'importance que revêtaient pour lui ses deux passeports. L'homme d'affaires quitta ensuite le 6è pour le 3è arrondissement où il s'adressa au chef de la brigade de recherche et de renseignements, l'inspecteur principal Papa Mamby Keita dit l'Épervier du Mandé.

Le policier activa sans tarder ses réseaux d'information et il obtint que les deux opérateurs téléphoniques de la place réactivent les puces que Almamy avait fait désactiver. L'inspecteur attendit le soir pour appeler sur l'un des numéros. Ce fut une femme qui lui répondit. Comme elle parlait sans contrainte, le policier comprit que son interlocutrice était certainement quelqu'un qui avait reçu cet appareil sans savoir qu'il avait été volé.

LE DEUIL DE L'ARGENT PERDU : Papa Mamby Keita engagea donc une conversation des plus amicales avec l'inconnue et lorsqu'il l'eut suffisamment mise en confiance, il lui demanda de manière négligente de qui elle avait obtenu le téléphone. La dame répondit sans se faire prier que c'était un certain "Le Gros" qui le lui avait donné. Ce surnom était une piste suffisante pour les policiers qui identifièrent rapidement l'intéressé sur un de leurs fichiers.

Interpellé, l'homme lâcha à son tour le nom de son complice, Youssouf Traoré alias l'Ivoirien. L'équipe de l'Épervier s'activa pour mettre la main sur ce dernier. L'affaire fut donc rapidement bouclée puisque déjà dans la nuit du 13 au 14 juillet, Youssouf et Le Gros étaient derrière les barreaux avec le téléphone qu'ils détenaient encore, le second étant se trouvant entre les mains de la dame.

|Restait encore à retrouver la mallette. Devenu extrêmement coopératif, l'Ivoirien détailla avec exactitude l'endroit où ils avaient ouvert l'objet pour s'emparer de l'argent et jeter le reste du contenu. Papa et ses hommes se rendirent donc le lendemain sur l'endroit indiqué en compagnie des deux voleurs. Ils jouèrent de chance. En effet, une dame qui les voyait en train de retourner le tas d'ordures les appela pour leur demander ce qu'ils faisaient en cet endroit insalubre.

Le policier le lui expliqua. La brave dame lui indiqua alors qu'au matin qui avait suivi le vol, elle avait vu jetés sur le tas d'immondices et exposés à la pluie la mallette et des documents que cette dernière contenait. Se doutant que tout cela devait présenter beaucoup de valeur pour son propriétaire, elle avait amené sa trouvaille à la police du 6e arrondissement. La petite troupe se transporta au commissariat où elle trouva effectivement ce qui restait des affaires de Almamy Traoré.

A la vue de ses deux passeports, l'homme ne put s'empêcher de laisser échapper des larmes de soulagement et de joie. Dans son euphorie, il fit une déclaration étonnante. Pour lui, l'essentiel était retrouvé et il faisait son deuil de l'argent perdu. Il ne verrait donc aucun inconvénient à ce que la police relâche les deux voleurs et à ce que ces derniers aillent se faire pendre ailleurs. Les policiers expliquèrent à l'homme d'affaires que les choses n'étaient pas aussi simples que cela. La loi, firent-ils remarquer, reste la loi. Le retrait de plainte de la partie civile ne peut empêcher un procureur de poursuivre un délinquant ou un criminel lorsque le magistrat estime que la gravité des actes posés l'exige.

Papa M. Keita fit savoir à Almamy Traoré que sa mansuétude ne changerait pas le sort des deux malfrats. Le plaignant se rendit compte que sa magnanimité était mal venue après les efforts déployés par la police pour coincer les voleurs. Il se ravisa donc et porta alors plainte contre Le Gros et l'Ivoirien. Pour récupérer son argent et pour obtenir réparation du préjudice subi. Les deux hommes ont déjà été déférés au parquet de la Commune II. Un juge d'instruction leur expliquera sur place les faits pour lesquels ils ont été mis sous mandat dépôt. Et les laissera se remettre de la rapidité avec laquelle ils ont été identifiés, puis coincés.

Source: Maliweb

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