Code corrigé :

02/07/2008

BENIN - Comment opère la mafia de vente de poche de sang

Trouver du sang à transfuser à un malade relève d’un véritable parcours de combattant. Aujourd’hui, malgré la pénurie du sang qui s’observe sur tout le territoire national, il existe dans nos formations sanitaires des réseaux `’de commerçants et de démarcheurs’’ spécialisés dans le trafic de ce précieux liquide.

« Je voyais mon père mourir sans que je ne puisse rien faire », ce sont là les paroles d’un jeune homme qui a assisté son père pendant son bref séjour au Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga (Cnhu-Hkm) de Cotonou. Ce dernier a préféré garder l’anonymat. Il nous raconte ici sa mésaventure. « Mon père était gravement malade et nous l’avons conduit à l’hôpital de zone d’Akpakpa à Akowégbo. Là-bas, sur instruction du médecin chef, il a été hospitalisé parce qu’ils ont jugé qu’il devrait être transfusé puisque les analyses ont démontré que le taux de globule rouge contenu dans son sang était trop faible. Ainsi, nous sommes allés au Cnhu pour nous approvisionner. Mais malheureusement, on nous a dit qu’il n’y avait pas du sang. Nous sommes allés dans la même soirée à Porto-Novo et à Abomey mais sans succès. Le jour suivant, le médecin chef d’Akpakpa a demandé l’évacuation de notre père sur le Cnhu parce qu’il se trouvait dans un état critique. Dès notre arrivée au service d’urgences du Cnhu, il nous a été demandé d’aller nous procurer du sang. Nous nous sommes rendus vers 02 heures du matin à la banque de sang du Cnhu et c’était toujours le même refrain. Finalement, après 4 jours de recherche désespérée, nous avons été informés qu’il y avait une personne qui pouvait nous aider à trouver des poches de sang. Nous avons alors fait appel à ce dernier qui a répondu favorablement à notre demande mais moyennant une importante somme d’argent. N’ayant plus de choix, notre grande sœur a déboursé les fonds et nous avons pu avoir le même jour le sang pour le transfuser à notre père. Cette personne nous a informés que c’est à la même banque de sang du Cnhu qu’il a obtenu la poche de sang ceci, grâce à ses relations. J’ai pu constater que les gens meurent banalement dans nos formations sanitaires car le pauvre aura toujours tort. Si nous n’avions pas les moyens en ce moment de prendre la poche de sang à ce prix là, notre père aurait pu banalement mourir ». Comme le témoigne ce jeune homme, nombreuses sont les personnes qui décèdent chaque jour dans nos hôpitaux parce qu’ils n’ont pas pu avoir du sang ou parce qu’ils n’ont pas des relations pouvant les aider à disposer facilement de la poche de sang en temps opportun. Même si certaines personnes ont la chance de s’en sortir comme ce fut le cas pour le père de ce jeune homme, d’autres y perdent leur vie. C’est le cas d’une petite fille qui a fini par mourir après avoir été transportée d’urgence dans 3 centres de santé différents, ceci pour y rechercher du sang. Au Bénin, c’est par un circuit qu’il faut avoir le sang. Sans passer par ce circuit, vous n’aboutirez à rien. Il faut toucher ceux là qu’on doit toucher pour avoir du sang et ceci au frais de la princesse. « Ces commerçants du sang » disposent du sang, grâce à leurs connaissances dans les hôpitaux, qu’ils vont revendre à un prix plus élevé, voire 20 à 30 mille francs Cfa selon la tête du client. La pénurie qui s’observe actuellement est profitable à ces derniers puisqu’il est plus aisé de dire à un patient, il n’y a pas de sang, d’autant plus que la pénurie, c’est tout le monde qui en parle. Ainsi, il y a parfois du sang mais on préfère le garder pour une certaine catégorie de personnes. Ceci parce qu’on y trouve son compte. Les agents de santé qui s’adonnent à cette pratique oublient qu’ils sont sous serment et que le plus important pour eux, c’est de sauver les vies humaines et non de contribuer au décès d’un patient. « De plus, ce n’est pas au malade d’aller chercher du sang mais le sang doit attendre le malade. Souvent, ou vous dit d’aller chercher. Vous irez chercher ça où ? », affirme notre témoin. C’est vraiment triste et je demande aux autorités sanitaires de tout faire pour décourager ces genres d’agissement en sécurisant le peu de sang recueilli chez les donneurs bénévoles, a-t-il ajouté.

Réalité ou mensonge ?

Certains disent ne pas être informés de cette situation, d’autres le condamnent. Pour le Dr Laurent Assogba, Directeur national de la protection sanitaire (Dnps), cette pratique est à proscrire. Selon lui, aucune information ne lui serait parvenue par rapport à cet état de choses. « Mais s’il apparaîtrait qu’effectivement, des gens commercialisent le sang, ce serait purement criminel de leur part en ce sens que le sang est un don. Maintenant, si parce qu’on a des pénuries de sang, de réactifs et autres, des personnes mal intentionnées se mettent à vendre le sang à des prix exorbitants, deux questions se posent à savoir : est-ce que ces poches de sang sont qualifiées ? Et d’où proviennent-elles ? », dira-t-il. Aussi, a-t-il lancé un appel à l’endroit des personnes qui s’adonnent à cette pratique. « Il faudrait qu’on reste dans la légalité de l’exercice de notre profession. Nous n’avons pas le droit de vendre du sang à des malades à des prix exorbitants », implore-t-il. Par contre, pour le président de l’Association des donneurs de sang bénévoles, ce commerce ne peut se faire. Contacté au téléphone, Rinx Agassoussi explique que pour disposer du sang à la banque de sang, il faut toute une procédure. Et je sais que les agents de santé font un effort pour respecter cette procédure, affirme t-il. De plus, si parfois nos poches de sang sont retrouvées à l’extérieur du Bénin, c’est-à-dire au Togo ou encore au Nigeria, c’est parce que parfois, nous mêmes lorsque nous sommes en manque, nous tendons la main à ces pays voisins pour qu’ils nous en procurent. A l’en croire, lorsque la poche de sang traverse notre frontière, elle peut être vendue au prix voulu. « Pour ce que je sais, c’est que la poche de sang nous est livrée à 8 mille Fcfa au Togo et parfois, nous envoyons les parents des receveurs aller chercher du sang au Togo lorsqu’il n’y a plus d’issue chez nous », précise t-il. Face à ce sujet, les avis divergent. Pendant que d’autres condamnent le fléau, d’autres ignorent son existence.

Transfuser quelqu’un, c’est prendre un risque pour sauver cette personne

Selon la définition du Dr Ludovic Anani, directeur des explorations diagnostiques et de la transfusion sanguine (Dedts), la transfusion sanguine est un acte médical qui consiste à donner du sang ou ses dérivés prélevés chez un sujet sain appelé donneur, à un sujet malade appelé receveur. Elle vise à obtenir un effet thérapeutique à partir d’un ou de plusieurs composants. Cependant, la transfusion sanguine comporte des risques nombreux et variés. L’existence de ces risques devrait être la préoccupation permanente de tous les acteurs du système transfusionnel. Ainsi, pour transfuser une personne, de nombreux examens cliniques doivent être effectués en vue de vérifier non seulement l’état du receveur mais aussi pour qualifier le sang qui sera donné.

Ce qu’il faut savoir en matière de transfusion sanguine...

Le sang O ne peut être donné à tous les malades. Il y a des exceptions car certains donneurs O ont des anticorps A ou B en plus de leurs anticorps A et B naturels. Ces anticorps immuns appelés hémolysines sont capables d’hémolyser des globules rouges A et B à 37°C. Ainsi, ils sont dangereux. Le sang des donneurs O avec Hémolysines est réservé aux malades de groupe O.

Transfusion entre mère et enfant

Tenant compte de l’existence fréquente chez les nouveau-nés et les nourrissons d’anticorps maternels dirigés contre les globules rouges des nouveau-nés, il faut éviter d’aggraver la situation en transfusant le bébé avec le sang de sa mère.

Transfusion entre mari et femme

Il est dangereux qu’un mari donne du sang à sa femme, surtout s’ils ont déjà des enfants. En effet, une femme est généralement immunisée contre les antigènes de son mari. L’explication est que pendant la grossesse et l’accouchement, une petite quantité de sang du nouveau-né passe dans la circulation maternelle. Les globules rouges de cette micro transfusion portent des antigènes dont la moitié provient du père, l’autre moitié provenant de la mère.

Examen avant attribution du sang

La banque de sang vérifie que la prescription est correctement complétée. Elle vérifie également la concordance entre l’identité du receveur figurant sur la prescription, sur le tube de prélèvement, sur les bons de demande et des résultats de groupage sanguin. Toute discordance bloque l’attribution nominative du sang.

Réception et contrôle des produits sanguins

A la réception du produit sanguin dans l’unité de soins, plusieurs vérifications s’imposent : il s’agit de la concordance entre le produit sanguin demandé et reçu pour le patient ; la concordance des produits reçus et ceux figurant sur la fiche de distribution ; l’identité du patient et celle figurant sur la fiche de distribution nominative, les résultats du groupe sanguin A,B,O-Rhésus du receveur et des poches et l’aspect de l’intégrité et la date de péremption du produit sanguin.

Pendant la transfusion...

Il faut surveiller impérativement auprès du malade les 5 à 10 premières minutes puis surveiller toutes les demi-heures les paramètres cliniques suivants : pouls, tension artérielle et fréquence respiratoire. Il faut prendre la température si une réaction de frisson se manifeste. Il faut aussi contrôler le point de ponction pour guetter l’apparition de rougeur ou de douleur et rechercher l’apparition des sensations anormales (chaleur, malaise, angoisse).

Source: Fraternité Matin (Bénin)

Aucun commentaire: