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08/07/2008

SENEGAL - EMEUTES DE L’EAU

Jusque là, on parlait de la pénurie du riz ou du gaz, mais les populations de l’axe Nord-Foire-Unité 26 des Parcelles assainies vivent, elles, une autre pénurie. Celle de l’eau. Elles sont restées quatre jours sans ce liquide précieux. Pour manifester leur courroux, les jeunes de ce quartier ont barré la route hier. Mais, c’était sans compter avec l’arrivée des forces de l’ordre qui ont repoussé les manifestants. Les jeunes de la zone menacent de récidiver, si rien n’est fait.

Sur la route qui longe l’axe Nord-Foire-Unité 26 des Parcelles Assainies, des pneus en cendres, des vitres cassées, des morceaux de pierres dispersés ça et là. Le décor montre, dès le début, qu’il y avait des affrontements. Des affrontements entre populations et forces de l’ordre. Las de rester pendant plus de quatre jours sans eau, les populations de ce quartier de la banlieue dakaroise ont barré hier matin, la route, pour manifester leur mécontentement.

4 H D’ACCROCHAGES AVEC LA POLICE

Devant la détermination des jeunes de ce quartier à se faire entendre, s’oppose la hargne des éléments de la Police à mater des manifestants. Ainsi, ils ont donc usé de grenades lacrymogènes pour repousser cette bande de jeunes qui, eux, pour contre-attaquer, vont recourir à des jets de pierres. Et, il s’en est suivi une course poursuite le long de cette artère. C’est ainsi, à en croire Ousseynou Diallo, le chef de file des manifestants, la Police a lancé même des bombes lacrymogènes dans les maisons environnantes. Le combat qui avait démarré à 10 heures du matin, a pris fin vers 14 heures. «Nous avons baissé les bras, puisque les autorités sont intervenues en nous envoyant des camions-citernes», soutient-il. Pour Ousseynou Diallo, il a fallu qu’ils descendent dans la rue pour que les autorités réagissent. Ce qui n’est pas, à ses yeux, normal. Puisque, ajoute-t-il, ils sont restés depuis jeudi sans eau. Donc, «c’était le comble et nous en tant que jeunes du quartier, c’était la seule solution pour nous de remédier à ça. Et vous voyez, ils nous ont envoyé de l’eau», se réjouit M. Diallo, avec un maillot blanc de l’équipe nationale du Sénégal taché de noir.

UN CAMION-CITERNE POUR LES POPULATIONS

Tout près, en empruntant une rue qui mène à l’intérieur de l’unité 26, un camion-citerne distribue de l’eau à une foule composée en majorité de jeunes filles. Ici, il y a une grande bousculade. Chacun essaye de bénéficier de ce liquide vital, tout cela dans un bruit confus. Deux jeunes garçons essayent, à leur tour, d’organiser la distribution.

A côté, une dame, la quarantaine révolue. Difficile pour elle de s’approcher du camion. De teint clair, Mame Fatou Guèye plus connue sous le nom de Peule Guèye, se désole de la situation. Elle «en a marre» de ce régime qui, dit-elle, va finir par tuer tout le monde. «On nous dit toujours que tout cela est dû à la hausse du prix du pétrole, mais qu’est-ce que l’eau a à voir avec cette histoire ?» lance-t-elle, toute rouge de colère. Le pire dans ça, précise-t-elle, ce n’est pas la hausse des prix, mais les denrées restent introuvables. «Où nous mène le régime de Wade», s’interroge-t-elle.

Mais, Peule Gueye prévient les autorités sur ce qui peut naître de cette situation. Car, pour elle, les jeunes sont aujourd’hui disponibles et ne reculent devant rien. Quatre jours sans eau. Comme débrouille, cette population se rabattait dans les boutiques. «Chaque matin, nous achetons des bouteilles d’eau minérale à 1000 francs l’unité, pour nous laver au moins la figure. Après, plus rien, car il n’y avait même pas d’eau dans les quartiers environnants», estime-t-elle.

Même son de cloche chez sa voisine, Mariama. Cette dame reste, elle, préoccupée par cette eau qui coule du camion-citerne. «Je suis vraiment fatiguée de cette situation. Depuis ce matin, mes enfants et moi avons fait le tour sans quartier sans rien obtenir. Il n’y a même pas une goutte d’eau chez moi», peste-t-elle. Quand l’eau va-t-elle donc recommencer à couler ? «Ils ne nous ont rien dit mais, les camions-citernes ne peuvent pas continuer ainsi. Nous demandons de l’eau à travers nos fontaines et non par le biais des camions. Cela ne peut pas continuer comme ça», ajoute Peule Guèye.

«NOUS NE BADINONS PAS AVEC LE MANQUE D’EAU»

Pour Ousseynou Diallo, la manifestation d’hier n’est qu’un avertissement lancé à l’endroit des autorités. Car, dit-il, le pire reste à venir. «Nous n’allons plus continuer à vivre ce désastre. Nous allons remettre ça si la situation perdure. Que les autorités le prennent comme un avertissement. Qu’ils font venir tous les éléments de la Police, nous n’allons pas reculer. Nous nous battons pour le bien-être de notre quartier», prévient-il. Pour les habitants de l’Unité 26, c’est inacceptable de rester pendant tout ce moment sans eau. «Nous pouvons rester sans riz, ni gaz, mais nous ne badinons pas avec le manque d’eau», lancent quelques jeunes garçons en chœur. «Avant-hier, il y avait eu un décès à côté, mais on avait tous les problèmes du monde pour avoir l’eau pour le bain du cadavre. Vous jugez cela normal ?» demande M. Diallo. En tout cas, l’appel est lancé par les jeunes de l’Unité 26 des Parcelles assainies. Ils ne vont plus «se laisser faire». «Demain (Ndlr : aujourd’hui lundi) est un jour ouvrable et les usagers empruntant cette voie risquent de rater leur boulot», menace Ousseynou Diallo.

Source: Le Quotidien (Sénégal)

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