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03/07/2008

SENEGAL - Voyage au cœur du monde des «gigolos» et des filles de joie


Saly est belle. Point besoin d’y jeter un coup d’oeil avec une loupe pour constater de visu le décor radieux offert par l’alignement des hôtels en bordure de mer. À l’instar du charme insolent et impressionnant du nombre de belles de nuit qui ne demandent pas mieux qu’un verre bien frais à côté d’un Européen dans un des night-clubs de la place. Comme en attestent d’ailleurs leurs accoutrements qui feraient fuir plus d’un. Elles sont dans leur grande majorité, habillées d’une robe, fendue très haut sur la cuisse.

Mieux, les deux bandes de tissus froncés, croisés au niveau de la poitrine, ont bien du mal à retenir les deux seins volumineux et fermes qu’elles étaient censées cacher. Un accoutrement qui ne dérange guère la quasi-totalité d’entre elles. À l’image de ses copines qui ont investi ce célèbre night-club ce soir-là à la recherche d’un potentiel client, Marianne(c’est le nom qu’elle s’est donné) ne se soucie guère de ce que les mauvaises langues peuvent dire ou penser de sa tenue. Pour elle, «la seule carte à jouer dans la quête de l’argent, c’est de mettre tous les atouts de mon côté». Pour cela, livre-t-elle avec professionnalisme, «l’essentiel, c’est de se sentir belle aux yeux de l’autre». Que les gens la regardent du mauvais oeil, elle s’en tamponne.

D’autant que «sortir et assumer le regard des autres, c’est une épreuve et je suis très contente quand les hommes regardent ma poitrine et me voient comme une bonne tarte aux fraises». Assise face au podium devant accueillir les artistes qui viennent souvent se produire dans la station balnéaire, Nina, la vingtaine à peine, ne dit pas moins que Marianne. Selon elle, «peu importe le poids du client à l’instant d’une partie de jambe en l’air». Mieux, elle soutient tout en ayant une cigarette entre le pouce et l’index, un verre de bière en face, que «la réponse au désir est en soi ; ce n’est pas quelque chose que l’on extériorise en exerçant ce métier.

On se fait juste «sauter» et après on empoche l’argent pour aller chercher un autre client. Un argumentaire que confirme Fatima qui débarque fraîchement de la Guinée-Bissau où elle officiait avant. En effet, même si elle admet «qu’exercer sa liberté n’est pas sans risque de se faire rejeter par ses proches, elle pense aussi que, «le complexe physique nuit gravement à un épanouissement de sa sexualité». C’est pourquoi, forte de ce constat, elle ne veut guère aujourd’hui entendre parler d’argent «sale» comme le lui répètent à l’envi ses parents qu’elle a quittés pour pouvoir exercer son métier.

L’aveu d’un «gigolo» sur leurs relations avec les vielles dames

Une réparation que les antiquaires ou «gigolos» n’ont guère en ligne de mire. En effet, pour ces jeunes qui entretiennent des relations avec des Européennes, au vu et au su de tout le village, l’idée de vivre aux côtés de vieilles dames, le plus souvent du même âge que leurs mères ou grand-mères, ne les dérange guère. Pour la simple raison, soutient Abo, dans un wolof ponctué de français, «nous ne les aimons pas Bro’, nous sommes juste avec elles pour passer le temps et si la possibilité nous est offerte de pouvoir prendre le large sans avoir à emprunter les pirogues, on s’y accroche». Avant d’ajouter comme pour illustrer ses dires, «regarde cette auberge, une bâtisse bien aménagée à l’image des hôtels, il appartient à un de nos amis. Aujourd’hui, il est en France où il vit en toute tranquillité avec la bonne dame qui lui donne aujourd’hui la chance de subvenir convenablement aux besoins de sa famille».

Des montagnes de muscles postés à l’entrée des boîtes pour 3000 ou 5000 F

Même si les filles de la localité sont réputées être des «croqueuses» d’Européens, elles ne sont pas les seules à vouloir se sucrer avec l’argent de ceux qui n’ont pas encore fini de les bercer d’illusions. Au-delà de leur désir d’aider les jeunes lutteurs ou autres haltérophiles, c’est une véritable exploitation que les tenants de ces boîtes leur font subir. Si on en croit Paco, un videur dans une des boîtes de la place, «les blancs nous utilisent, nous le savons très bien. Mais comme nous n’avons pas mieux, on ne peut que se contenter de leurs miettes».

Car, argue-t-il «vous n’imaginez même pas combien c’est dur de rester planté devant une entrée de boîte de nuit avec tout ce que cela comporte comme insécurité pour au petit matin se retrouver soit avec 5000 francs en poche ou 3000 francs sous le prétexte fallacieux que les affaires ne marchent pas». Un cri du cœur fortement amplifié par son ami qui sans être invité dans notre discussion martèle : «Nous ne sommes pas faits pour servir de bodyguard à des Européens qui n’ont aucun respect pour nous. Si nous vivons cette situation aujourd’hui, c’est juste parce que nous avons une famille, des frères et sœurs à protéger contre ce que vous voyez à l’intérieur de la boîte (prostitution). D’autant que ce n’est jamais de gaieté de cœur pour un Sénégalais d’assister, impuissant, aux «humiliations» que les touristes font subir à nos filles surtout si c’est quelqu’un que vous avez toujours considéré comme votre sœur».

Avant de lâcher, le cœur meurtri par une scène écoeurante d’une Sénégalaise se faisant tripoter au vu et au su de tout le monde par un papi, la soixantaine révolue : «ce que nous voulons, c’est de participer au même titre que les lutteurs de Dakar dans les championnats afin de gagner convenablement notre vie et redonner ne serait-ce que pour un jour, le sourire à tous ceux qui nous ont soutenu depuis notre tendre enfance».

Source: L'As (Sénégal)

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